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Eliya Waiche

Méthodologie de travail O.D.S., Droit & Philosophie

À quoi s’attendre ces 5 prochaines années ?

À QUOI S’ATTENDRE CES CINQ PROCHAINES ANNÉES ?
Marianne cherche personnel politique compétant. Entrée en fonction souhaitable avant 2027.

Bonjour à tous, et bienvenue.

À quoi s’attendre du point de vu du droit constitutionnel et des rapports de force actuels pour ces 5 prochaines années, maintenant que pour la première fois de la Ve République le Président nouvellement élu n’a pas été doté aux législatives suivantes d’une majorité ? Voici une analyse courte et accessible à ce sujet.

Il faut distinguer deux hypothèses, la question sur toutes les lèvres en cette période d’incertitudes étant une démission du Président et une élection présidentielle anticipée. La première hypothèse est une dissolution de l’Assemblée Nationale en cours de mandat (Partie I) qui est la seule hypothèse rendant envisageable une démission du Président. La seconde hypothèse serait que nous gardions cette Assemblée Nationale jusqu’en 2027 (Partie II).

PARTIE I : LA DISSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE AVANT 2027

     Il nous faut tout d’abord établir le bien-fondé de cette affirmation, seule une dissolution de l’Assemblée Nationale peut conduire à la démission du Président de la République (A). Ensuite nous verrons dans quelles conditions le Président pourrait dissoudre l’Assemblée Nationale (B).

A. LE PRÉSIDENT NE DÉMISSIONNERA PAS S’IL NE DISSOUT PAS L’ASSEMBLÉE NATIONALE 

    Le Président de la République n’a pas de majorité de députés pour mener sa politique et ses réformes. En théorie il pourrait démissionner en tirant les conséquences d’un désaveu politique inédit. Toutefois, aux vues de la personnalité et des déclarations de notre actuel Président, il n’a pas le profil psychologique d’un Charles de Gaulle pour préférer se retirer plutôt que rester sans le soutien du peuple. 

En revanche, s’il devait dissoudre l’Assemblée Nationale et qu’il devait une seconde fois d’affilée être désavoué en ne récoltant pas une majorité de députés, la pression politique en résultant rendrait effectivement possible qu’il démissionne ; même si rien ne l’y obligerait et qu’il pourrait très bien s’accrocher à son siège jusqu’à la fin de son mandat.

La question importante est alors de savoir dans quelles conditions il pourrait être amené à dissoudre l’Assemblée Nationale ?

B. À QUELLES CONDITIONS LE PRÉSIDENT DISSOUDRAIT L’ASSEMBLÉE NATIONALE ?

      Le Président actuellement ne peut pas gouverner, il peut faire passer un texte par an « en force » avec l’article 49-3 de la Constitution. Et encore, ce texte ne passerait que si les députés ne votent majoritairement pas une motion censure du gouvernement. La seule chose qui les retiendrait serait que ce vote pourrait entraîner une dissolution de l’Assemblée Nationale, et que les partis d’opposition aient peur de perdre des sièges. Tout ceci est très incertain.

Il n’a que deux possibilités, attirer un parti d’opposition dans sa majorité en le faisant entrer dans son gouvernement, ou négocier texte à texte avec l’opposition. En défaveur de la première possibilité, un parti acceptant cette proposition risquerait de sortir décrédibilisé auprès de ses électeurs et de disparaître après la fin du mandat, ce qui est notamment la crainte majeure des Républicains.

Le Rassemblement National et Emmanuel Macron ne veulent respectivement pas s’allier. La Nupes pourrait voir certaines de ses composantes s’allier au Président, mais au détriment potentiel de l’unité de sa propre formation politique  (composée du Modem de François Bayrou et du parti d’Edouard Philippe). 

La seconde possibilité est par défaut la plus probable, ce qui implique des négociations de marchands de tapis incessantes, comme l’ont connu tous les Régimes Parlementaires. C’était le cas sous la IIIe République en France, avec un chaos politique insoutenable. C’est cette hypothèse qui justifierait une dissolution de l’Assemblée Nationale.

Le Président Emmanuel Macron, excédé par l’impossibilité de gouverner, emploie l’article 12 de la Constitution (utilisable après un an suivant une élection législative) et dissout l’Assemblée Nationale. Il ne le fera que s’il est  convaincu d’après les sondages qu’il obtienne une majorité de députés. Après la catastrophe de la dissolution par le Président Jacques Chirac en 1997 sous les conseils de Dominique de Villepin pour obtenir une majorité sans ses alliés centristes, cette erreur ne sera pas reproduite à la légère.

Il est donc parfaitement raisonnable d’envisager l’hypothèse où nous conservions cette Assemblée Nationale jusqu’en 2027.

PARTIE II : LA CONSERVATION DE CETTE ASSEMBLÉE NATIONALE JUSQU’EN 2027

      Deux conséquences seraient à tirer de cette situation, un intérêt commun à conserver le statu quo (A) et une redistribution incertaine des cartes politiques (B).

A. UN INTÉRÊT COMMUN À CONSERVER LE STATU QUO

    Dans le contexte d’une négociation pour trouver une majorité à chaque texte, l’ambiance politique déterminée par le Président serait la culpabilisation des autres formations politiques. L’opposition serait désignée responsable pour chaque texte qui ne trouve pas les alliés occasionnels, les partis d’opposition de leurs côtés dénonçants une mauvaise volonté et de mauvais projets de la part du Président.

Cette situation paraît intenable pourtant elle a étonnamment des chances sérieuses de perdurer 5 ans. Si les partis d’opposition acculent le Président à dissoudre l’Assemblée Nationale en votant la censure du Gouvernement, ils risquent de perdre leurs positions avantageuses actuelles. Pour réunir une majorité il faut que l’extrême-droite (Rassemblement National) et l’extrême-gauche (Nupes avec La France Insoumise, les Communistes…) votent ensemble la censure mais ils ne le feront que s’ils pensent tous qu’une nouvelle élection leurs seraient à tous favorables. Cette possibilité étant assez peu probable, un (non)-usage prudent de la censure gouvernementale est plausible.

Si le Président dissout, il prend un risque conséquent d’être désavoué. Il passerait d’un coup au premier Président élu à 39 ans en partant de zéro en quelques mois et abattant tout le système politique, au premier Président incapable de réunir dans la foulée de son élection une majorité de députés, désavoué deux fois, et probablement le premier contraint de démissionner dans la honte. On comprend qu’il réfléchira bien avant de réaliser cette sinistre perspective personnelle.

Donc, nous pouvons rester dans cet échange de mauvaises volontés avec des textes votés sur des calculs politiques alambiqués. Le résultat serait une redistribution incertaine des cartes politiques en 2027.

B. UNE REDISTRIBUTION INCERTAINE DES CARTES POLITIQUES EN 2027

   En 2027, le Président Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter. S’il désir faire perdurer son héritage politique il devra désigner un successeur capable de préserver le mariage de la carpe et du lapin, que constitue le large rassemblement politique de la République En Marche.

Sans sa personne charismatique, il est possible que son parti s’écroule et qu’en profitent d’autres formations politiques. Les deux formations politiques traditionnelles qui s’alternaient au pouvoir avant 2017 et l’élection du Président Macron, le Parti Socialiste et les Républicains, seront très diminuées en 10 ans. Il est peu probable qu’ils récupèrent leurs leaderships politiques comme si rien ne s’était passé pendant la « parenthèse Macron ».

Les Républicains sur le papier sont les plus légitimes pour bénéficier de l’alternance mais ils sont menacés par trois formations politiques, la REM, le RN et Reconquête qui guettent tous l’opportunité de (finir de) le démanteler. La survie du PS étant quand j’écris ces lignes plutôt hypothéquée par l’échec spectaculaire de sa candidate à la présidentielle, Madame la Maire de Paris Anne Hidalgo, la survie des Républicains n’a rien d’acquis. Cela va essentiellement dépendre de sa capacité à faire émerger un(e) chef déterminé et doué pendant cette période d’opposition, comme elle l’a fait par le passé avec par exemple Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy (et non comme la promotion par ses barons de Valérie Pécresse pour faire obstacle à Eric Ciotti arrivé largement en tête aux primaires, qui a été un fantastique fiasco qui a dépassé les pires craintes des plus  cyniques comme des plus pessimistes). 

C’est donc d’autres partis qui en profiteront probablement le plus. Actuellement les deux partis extrêmes précités semblent des candidats crédibles pour récupérer ce capital politique. Mais pour que ceci se produise, il faut qu’il ressortent de ces 5 années avec l’approbation de leurs électeurs dans leurs rôles dans l’opposition. Et de ceci, personne ne peut être sûr, surtout si la situation de la France se dégrade encore plus, ce qui malheureusement n’est pas une idée fantaisiste en l’absence de politique nationale  cohérente.

CONCLUSION

     Tout le monde, le Président et les principaux partis d’opposition, ayant tous des intérêts à préserver l’actuel statu quo, nous sommes face à un paradoxe. Personne ne peut rien faire mais tout le monde est d’accord pour ne rien changer.

Si cette chaîne d’hypothèses et de théories s’avère exacte, il n’y a qu’une seule conclusion. Nous nous acheminons vers un divorce entre les forces politiques décrites et le peuple, qui leur reprochera légitimement de ne pas avoir fait passer l’intérêt national avant leurs intérêts politiques à court terme. Citons parmi ces griefs : l’inflation, l’absence de croissance économique, la cohésion sociale française et tout ce qui fera en 2027 que la vie des Françaises et Français sera difficile.

Cette situation favorisera l’émergence de nouvelles forces politiques, qui seront portées au pouvoir sur le dénigrement des responsables du statu quo du précédent quinquennat. Pour les raisons déjà évoquées, le Nupes et le RN ne capitaliseront pas forcément sur leurs résultats législatifs actuels, même s’ils peuvent demeurer des forces politiques minoritaires influentes.

Le parti d’Eric Zemmour, Reconquête, pourrait finalement profiter de ne pas avoir réussi à percer lors de ces législatives. Ses leaders pourront renvoyer en bloc l’ensemble des forces politiques évoquées jusqu’ici dos-à-dos. Le fait de ne pas participer aux mécanismes du statu quo deviendrait alors une aubaine bien plus confortable que d’être associé aux tractations législatives. Mieux encore, des succès électoraux aux élections intermédiaires en capitalisant sur le rejet des formations promus en 2022 constituerait un pont d’or vers 2027. Avec ses plus de 100 000 adhérents, ses caisses pleines grâce aux dons et à plus d’un million d’électeurs aux législatives garantissant plus d’un million d’euros de subventions étatiques par an, et le potentiel colossal de force de frappe médiatique avec lequel Éric Zemmour a fait trembler toute la scène politique jusqu’à la guerre en Ukraine, le parti Reconquête est sûrement un des acteurs déterminants des prochaines années.

Ajoutons les grands défis à venir de Marine Le Pen qui est entre deux eaux, son parti sorti de sa zone de confort comme figure marginalisée mais sans ligne idéologique claire. Le Rassemblement National a été propulsé au second tour de la Présidentielle et aux législatives sur un rejet d’Emmanuel Macron et grâce à une dédiabolisation inespérée au détriment d’Eric Zemmour, qui lui a servi de paratonnerre.

Le désormais premier parti de droite à l’Assemblée Nationale a reçu un cadeau empoisonné avec cette promotion qui lui confère un faux sentiment de sécurité, alors qu’il est aussi faible sur son idéologie et son programme que le PS et les Républicains. Ces deux partis n’ont plus travaillé sur les positions idéologiques et programmatiques de façons cohérentes et claires depuis qu’ils ont perdu face à Emmanuel Macron, et l’extinction menace tout autant le RN à terme. Emmanuel Macron lui-même a érigé l’opportunisme politique et l’art de la communication comme principaux arguments, comme en témoigne son emblématique « en même temps », et nous en voyons les limites actuellement.

Lorsque Lionel Jospin a gagné les législatives en 1997, lorsque Nicolas Sarkozy lui-même l’a battu en 2002, ces leaders tenaient leurs partis avec des lignes idéologiques et des propositions clairement identifiables. C’est tout le défi de Marine Le Pen actuellement, à moins de tout miser sur un deuxième contre en opportunité favorable en 2027.

Les Républicains sont écartelés entre les héritiers idéologiques de Nicolas Sarkozy, sécuritaires et conservateurs économiquement jadis représentés par François Fillon, et les centristes économiquement plus à gauche et socialement proches d’Emmanuel Macron (la ligne qui a perdu avec Valérie Pécresse). Le parti a peur de prendre une position synonyme d’éclatement et de mort, mais l’absence de leader avec une ligne claire le sera tout autant. Le parti peut connaître le même sort que le PS, tout autant que de redevenir le premier parti de France.

La Nupes de son côté véhicule toujours les mêmes maladies de la gauche française, culturellement encline à vouloir réunir ses branches incompatibles, marxistes d’une part et ses branches économiquement keynésiennes et socialement conservatrices. La majorité de ses éléments les plus conservateurs sont actuellement à la LREM, et ses composantes les plus radicales emmenées par l’électrique et cultivé Jean-Luc Mélenchon  ne demandent qu’a se disloquer. Dans l’aristocratie des esthètes idéologiques très à gauche, c’est la loi de la jungle, la chaîne alimentaire dominée par une concurrence inconciliable. Aux yeux de ses différents pôles, les autres sont toujours trop modérés. Les Communistes ne sont pas Wokes pour LFI, le PS et LFI ne sont pas assez écologistes, le PS n’est pas assez économiquement à gauche... Leur seul point commun programmatique est de n’être d’accord sur rien et le Nupes a explosé comme formation unique à l’Assemblée Nationale avant même d’exister, chacun voulant retrouver ses billes, son argent, ses espoirs de retrouver la gloire et d’imposer ses propres spécificités.

Reste un trésor de guerre électoral, le réservoir de voix apparemment captif des masses populaires en déshérence, qui ne voteront jamais pour un parti traditionnel de gouvernement, qui généralement s’abstient mais qui vote par rejet de la LREM et surtout par peur du RN ou d’Eric Zemmour. Ces électeurs qui font leur entrée fracassante dans le jeu électoral français à la faveur de l’explosion de l’abstention des votants habituels. Ce capital électoral est jeune, souvent issu de l’immigration, est non-politisé au sens traditionnel du terme, et attend une représentation politique. Le grand défi de la gauche est de la lui fournir sur autre chose qu’un programme de rejet des courants anti-immigration. Il n’est pas sûr que cette seule antipathie suffise à les mobiliser de nouveau, ni que ce soit suffisant face à un électorat de droite remobilisé.

Que retenir de tout ceci au point de vu de la carte idéologique de la France ? La question se heurte à un paradoxe, d’un côté le clivage gauche-droite a disparu du débat à la faveur de questions comme la construction européenne, l’identité sociale française, l’écologie ou la nébuleuse woke (racisme blanc, racisme hétérosexuel, théorie du genre, colonialisme, racisme anti-musulman, cancel culture,  etc…). D’un autre côté, la question étouffée du modèle économique keynésien ou libéral, conservateur socialement ou progressiste, est omnipotent dans les débats mais non-représenté clairement depuis qu’Emmanuel Macron et son effet « disruptif » ont atomisé la scène politique française.

Ceux qui sauront proposer des synthèses cohérentes et claires et les proposer avec talent rendront obsolètes ceux qui resteront dans le marasme intellectuel informe qui règne sur notre actuelle panique politique. Mais nous en sommes encore loin et le brouillage des questions importantes et de leurs réponses crédibles risque de durer.

Si tel est le cas, préparons-nous à 5 années très ennuyeuses en terme de débats publics, très incertaines, très éprouvantes pour les franges les plus fragiles de notre communauté nationale, un renforcement de tous les problèmes actuels et à une société prête à mettre au pouvoir de nouveaux mouvements. Une ou un leader charismatique avec un programme clair et qui correspondra aux priorités du moment pourra tout renverser devant elle ou lui. L’exaspération et l’incurie sous ce mandat rendront possibles des changements qui seraient apparus impossibles jusqu’à aujourd’hui.
 

Eliya WAICHE

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